O B SERVATION S
V
IMPORTANTES
SUR LE RACHAT DES DIMES ;
A L’ASSEMBLÉE NATIONALE,
M ESSIEUHS,
La fuppreftion des dîmes décrétée, & décrétée après
la difcuffton la plus ample, l’on croiroit la matière épuifée j
l’en croiroit qu’il ne refte plus de queftions fur leur ori-
gine , fur leur nature, fur leur deftination, ou l’on croi-
roit que ces queftions ne peuvent être que des queftions
oifeufes, des réchauffés faftidieux.
Cependant il en eft encore qui n’ont été ni prévues ,
ni réfolues , & qui font de la plus haute importance j elles
méritent toute l’attention de l’Affemblée Nationale j elles
la méritent d’autant plus , quelles ont pour objet de pré-
venir une injuftice qu’on lui propofe de commettre, &
ne commettroit fans doute qu’à regret. Je m’ex-
qu’elle
plique.
THE NfWBEMMf
UBRAIY .Y
A
s
Un Membre, diftingué par des qualités auxquelles je
rends hommage , M. du Pont , dans un difcours fur 1 état
6c les reffources des finances, prononcé à PAflemblée
Nationale le 14 feptembre 1789, & imprimé par fes
ordres, a dit, page 2 9, « Le remplacement convenable
» des dîmes, jufqu auquel vous avez ordonné, Meffieurs,
y> qu’elles feroient perçues , cefl leur rachat fur le pied
■>> du capital 3 dont la vente habituelle des terres dans
les Provinces , indique la proportion qui eft de no-
» toriété publique en chaque lieu.
C’eft le rachat , fur le pied du capital , dont la vente
habituelle des terres indique la proportion !...
Il n’y a point à en douter , le rachat des dîmes fera
fur le pied du denier 25 , 30, 35, 40, fi dans les
Provinces la vente habituelle des terres s’élève à ce prix.
Je vous avouerai. Meilleurs, que l’idée que me pré-
fente cette première alfertion , eft une idée abfolument
neuve pour moi 3 Sc je penfe quelle fera/ telle pour bien
d’autres : car je n’ai jamais cru que l’intention de l’Af-
femblée Nationale, en fupprimant les dîmes, fût d’en
faire payer le prix aux cultivateurs.
J’ai encore moins penfé que fon intention fût, non-
feulement de reprendre d’une main le bienfait qu’elle
répandoit de l’autre , mais encore de rendre ce bienfait
onéreux, en impofant à la fuppreflion des dîmes, une
charge du tiers plus pefante que les dîmes mêmes , la
charge de les rembourfer fur le pied du prix que fe ven-
dent habituellement les biens dans les Provinces , c’eft-
à-dire, fur le pied du denier 30 au moins.
Eh ! Comment l’aurois-je penfé ? comment étoit-il
même pofftble que je le penfafte, lorfque j’étois intime-
ment perfuadé que toutes les vues de l’Affemblée fe
tournoient au foulagement des campagnes ? elles étoient
déjà réduites à 1 impuiflance de fupporter leurs charges,
ee n’étoit pas pour pn prendre de nouvelles.
M. du Pont ajoute : « C’eft fur ce pied 3 Meffieurs 3
3
« & d’après ces principes , que je penfe que vous dé-
as clarerez les dîmes eccléjîajiiques rachetables comme
55 vous avez déclaré que l’éroient les dîmes inféodées
35 qui en dérivent. »
Les dîmes inféodées dérivent dès dîmes eccléfiaftiques !
cela eft bientôt dit, mais cela n’eft point fi facile à
prouver j aulîi M. du Pont n’entreprend- il point de faire
cette preuve j il fe contente de l’allertion qu’il transforme
en principe.
Me feroit-il permis de lui demander comment, fi la
dîme inféodée dérive de la dîme eccléfiaftique , comment
cette première dîme , en palfant dans la main laïque ,
a pu changer de nature ? comment elle a pu devenir
fief? comment, en qualité de fief, elle eft fujette au
report? comment elle eft fujette au dénombrement?
comment enfin elle eft le droit feigneurial , & exclufive
de tous autres droits feigneuriaux quelconque ?
L’honorable Membre ajoute encore , « qu’il n’y a
55 aucune raifon, pour que les une? (les dîmes inféodées)
55 foient rachetées, «Se que les autres (les dîmes ecclé-
*3 fiaftiques ) ne le foient pas. 35
Cela eft vrai dans fon hypothèfe. Si les dîmes inféo-
dées font de même nature que les eccléfiaftiques, le ra-
chat des premières entraîne néceflairement le rachat des
fécondés ; ou il y a parité de raifons , il doit y avoir
parité de conféquences ; mais fi l’hypothèfe eft faillie ,
comme on fe propofe de le démontrer, les confequences
que l’honorable Membre en tire font des conféquences
ruineufes, qui tomberont avec l’hypothèfe.
Enfin , M. du Pont termine en difant , ce vous devez
53 feulement, Meilleurs, pour les unes & pour les autres,
33 réferver aux cultivateurs leurs pailles , en faifant régler
33 par les Municipalités , & par les Âftemblées de Dé-
33 partement , d’après le produit ordinaire de chaque
33 canton , combien de bordeaux de bled devront être
s? donnés pour le cent de gerbes, ^
Ici fe manifefte Tans doute la putete des intentions de
I honorable Membre. Il fait que la terre n’eft poinr iné-
puifable • il veut que 1 on répare fes pertes , en lui ren-
dant, par les engrais, l’équivalant de ce que l’on a tiré
de fon fein.
Mais, ce n eft point allez que des intentions foient
pures , il faut qu’elles foient juftes. Seroif-il jufte que
ce pi ix des pailles provenantes de la dîme inféodée, fût
ravi au feigneur, li la dîme inféodée eft fon patrimoine,
fi c eft. fon bien, lî c’eft fa chofe ?
Seroit-il j ufte que ce même prix des pailles, fût en-
levé a 1 eccléfiaftique , pofteffeur de la dîme, fi ce prix
ne lui appartient pas moins que le grain ?
Seroit-il jufte enfin que le cultivateur fût obligé de
payer a 1 Etat ^une quotité de grain quelconque , pour
raifon de la dîme, fi le grain n’appartient pas plus à
Etat que les pailles , fi la dîme n’eft point légitimement
Auffitot fe préfçntent les queftions qui fuivent : i®. la
dîme inféodée eft-élle de même nature que la dîme ecclé-
fiaftique P lune deriye-t-elle de 1 autre ? ont-elles toutes
deux la même origine ?
i°. La dîme eccléfiaftique eft-elle de droit divin;
comme l’ont déclaré les anciens Conciles ; comme on v
l’a cru pendant nombre de fiècles ?
3°. Eft-elle de droit pofitif, comme on le croit de-
puis 200 ans , &■ comme l’a déclaré la Jurifprudence
Françoife ? r
4°. Si elle eft de droit divin, comment a-t-elle pu
fe transformer en droit pofitif? r
5 . Si elle eft de droit pofitif, comment les anciens
Conciles ont-ils pu la déclarer de droit divin ?
L’on fent combien il importe à l’Etat d’avoir une fo-
lution nette de ces queftions , foit pour repoulfer les cris
que la main-morte fait retentir dans le public , foit pour
donner une application jufte à la loi que s’eft faite l’Af-
femblée Nationale , de pourvoir à la fubfiftance des
Mini lires des autels & à l’entretien du culte.
Il eft fans contredit que fi la dîme eft de droit divin,
il n’étoit pas au pouvoir de l’Aftemblée Nationale d’en
décréter la fuppreftîon , parce qu’il n’eft point au pou-
voir de l’Aiïerhblée Nationale de fubftituec fa volonté
& fa loi à la volonté & à la loi de l’Etre fuprême.
Si la dîme n’eft pas de droit divin, fi elle eft au con-
traire de droit pofitif, comme perfonne n’en doute au-
jourd’hui, comme le Clergé lui -même en convient,
comment concilier ce dernier aveu , cette dernière re-
connoifiance avec le refpeél dû aux décidons des Conciles?
Cette idée familière, que l’Efprit Saint préfide aux Con-
ciles, qu’il en dicfte les oracles, que les Pères de l’Eglife
ne font que fes organes ; cette idée feroit-elle donc fatifte ?
nous ferions-nous trompé ? ou nous auroit-on trompé?
Je ne ferai pas aftez téméraire pour hafarder une af-
fertiqn dont les conféquences m’épouvantent j elles m’épou-
vantent d’autant plus, qu’il n’y a que deux jours que les
Miniftres des autels difoient au milieu de ce Sénat au-
gufte , ce quftls ont écrit depuis, qu’en attaquant les dîmes
c’étoit attaquer la Religion même j que c’étoit en pro-
voquer la fubverfion , la fapper par les fondemens.
Vous fentez , Meilleurs, la liaifon de ces plaintes avec
les décidons des Conciles. Il eft de toute vérité qu’atta-
quer les dédiions des Conciles , c’eft attaquer la Religion.
Si donc les Conciles ont décidé , comme il n’eft que
trop vrai qu’ils l’ont lait, que la dîme eft de droit divin,
la conféquence eft inévitable \ la fuppreffion de la dîme
tend au renverfement de la Religion.
Mais dans ce cas , comment concilier le Clergé avec
lui-même ? Si la dîme eft de droit divin , comme l’ont
déclaré les Conciles, pourquoi le .Clergé convient- il
qu’elle eft de droit pofitif? (Par cet aveu, par cette re-
connoiffiance , c’eft lui-même qui attaque les Conciles ,
qui attaque la Religion , qui lui porte les coups les plus
dangereux. A 3
SI la dîme eft de droit pofitif, comme en convient îe
Clergé, la füpprefîion de cette dîme n’attaque pas la
Religion , parce que la Religion eft étrangère à un droit
pofitif. Mais que. deviendront les Conciles? que devien-
dront leurs décidons?
Ce n’eft point tout , & nous ne fommes point hors
d’embarras.
Si les dî mes ne font pas de droit divin, quoique les
anciens Conciles les aient déclarées telles, il eft évident
quelles ne peuvent être de droit pofitif; car fi elles
ave lent été de droit polit if lors des premiers Conciles ,
ces premiers Conciles n’en auroient point tenté l’établif-
fernent , fous prétexte qu’elles étoient de droit divin. Un
Concile ne fe compromet point gratuitement par un men-
folige qu’il auroit été fi facile de relever.
Les premiers Conciles ont tenté l’établiftement des
dîmes, fous prétexte qu’elles étoient de droit divin.
Llles n’exiftoient donc point avant la tentativè , ni au
temps même de la tentative.
Si cette tentative eût réaffi. d’abord, des loix pofitives
auroient été inutiles fubféquemment.
H exifte des Loix pofitives fubféquentes à la tenta-
tive ; ce font ces fameüfes loix de Charlemagne , dont
le Clergé nous a rappellé fi fouvent les difpofitions, &
dont il a argumenté avec tant de complaifance & tant
d’emphafe.
Mais le Clergé n’a point fait attention que ces loix
pofitives fubféquentes ne font relatives qu’aux décifions
des Conciles précédens ; qu’elles n’ont pour objet que
d’en ordonner l’exécution , en ce qui concerne le paye-
ment de la dîme , fuppofée de droit divin.
Une loi qui ordonne l’exécution d’une autre loi n’eft
point une loi originale , c’eft une loi conféquente.
Si la première loi n’exifte pas, la fécondé qui en or-
donne l’exécution 3 ordonne l’exécution d’un être de rai-
fon ; cela eft clair.
11 eft donc vrai de dire que fi les dîmès fie font point
de droit divin , comme l’ont déclaré les Conciles , elles
ne font pas & ne peuvent être de droit pofitif , puifque
Charlemagne qui en a ordonné le payement , ne la or-
donné que conféquemment à la décifton des Conciles pré-
cédens, & fur la foi qu’elles étoient de droit divin.
Mais fi les dîmes ne font pas de droit divin , fl elles
ne font pas également de droit pofitif , que font-elles
donc ? d’où viennent-elles ? quelle en eft l’origine ? Hélas !
nous héfitons à le dire.
Que font-elles ? le fruit de la fraude. D’où viennent-
elles ? de la fraude. Quelle en eft l’origine ? la fraude.
Voilà ce que vous n’avez point encore entendu , Mef-
fieurs, quoique la matière ait été bien difcutée. Vous
ne l’avez point encore entendu , pourquoi ? parce que le
Clergé qui connoît fans doute le vice d’origine, n’a point
cru devoir remonter au-delà des loix de Charlemagne,
& que fes antagoniftes , fe bornant aux ufages reçus,
ne fe font point donné la peine daller jufqua la fource.
Nous n’imiterons l’exemple, ni desuns, ni des autres.
Le flambeau de la raifon à la main , nous pénétrerons
dans ce Dédale obfcur , qui recèle cette fraude ; nous l’en
ferons fortir pour la mettre au grand jour. La foi- due \
aux Conciles y perdra quelque chofe ; mais la vérité ,
trop long-temps captive , y gagnera beaucoup.
PREMIÈRE QUESTION.
{ ■■ • ' V : -r • • ' ,
Les dîmes inféodées font-elles de même nature que les
dîmes e celé fi afii ques ? les unes dérivent?- elles des
autres ? ont- elles la même origine ?
r; . < \ v Y
Pour que les dîmes inféodées puflent etre de même
nature que les dîmes eccléfiaftiques , il faudrait qu e: les
euflent une même origine j il faudrait qu elles enflent été
A 4
connues, qu elles eufient exifté en même temps. Il fau-
drait qu’elles eufient eu la même deftination . dans le
principe. Rien de tout cela n’eft vrai.
Les dîmes que nous appelions inféodées, étoient con-
nues dès le commencement de notre Monarchie, fous le
titre cle decimæ dominicæ , dîmes domaniales dîmes
feigneuriales.
Elles tiraient leur origine des Romains , qui les per-
cevoient dans les Gaules fur les Provinces conquifes.
Les Francs ont continué de les percevoir après l’ex-
pulfion de ces premiers ufurpateurs.
Elles étoient communément le prix des concédions que
les feigneurs faifeient de leurs domaines.
Elles confiftoient dans le droit de prendre fur ces do-
maines une certaine quantité de fruits, qui alloient com-
munément au dixième } c’eft de là qu’elles ont emprunté
léurs noms.
Lorfque les concédions étoientfaites à d’autres charges,
plus ou moins onéreufes, les redevances prenoient une
autre dénomination , telle que celle de champart , tâche ,
terrage, agrier, noues, cens, &c.
Ces concellions n’étoient point de véritables ventes,
mais des baux qui tranfportoient aux cedîonnaires une
propriété conditionnelle, & les attachoient au feigneur
pour tout le temps qu’ils acquitteraient la redevance.
Nos cenfitaires , jufqu a ce jour, n’ont point été ôc ne
font point encore autre chofe.
V oiîà d’où viennent ces dîmes inféodées , fi connues
dans le Royaume, & toujours fi enviées par la main-
. morte eccléfiaftique.
La preuve que l’on n’avance rien ici qui ne foit exaét ,
fe tire des loix romaines. Elles mettent ces dîmes au
nombre des revenus de l’Etat } elles en ordonnent la per-
ception dans les Provinces • elles en déterminent les
quotités ’ & nulle part il n’efl: fait mention qu’elles appar-
timTent à l’Eglife, ou qu’il lui en fût dû de pareilles.
/
9
Ï1 eft vrai que quelques Auteurs mal infttuits, ou dont
la plume étoir vendue au Clergé, ont prétendu que les
dîmes inféodées étoient d’anciennes dîmes eccléfiaftiques »
ufurpées par les feigneurs ou acquifes de la main-morte.
Mais- l’erreur eft évidente j la dîme inféodée ne change
point de nature , dans telles mains qu elle piiifle palier *
elle conferve toujours fa qualité de dîme feigneuriale }
toujours elle eft repréfentative du cens j toujours elle eft
exclusive de tout autre cens , Sc de k dîme eccléfiaftique
même ^ toujours elle refte foumife a la loi féodale.
De même la dîme eccléfiaftique conferve fa nature ,
en paftant dans la main laïque , par 1 effet d une alié-
nation quelconque. Jamais elle ne peut devenir feigneu-
riale j jamais elle n’eft répréfentative du cens • jamais
elle n’eft exclu five de ce même cens j jamais elle ne peut
concourir avec la dîme inféodée j jamais elle ne refte
foumife à la loi féodale.
Ces deux dîmes corçfervent leur nature , parce que l’on
ne peut jamais changer la nature des chofes.
L’une, confidérée comme fief, fe reporte au Seigneur
fuzerain.
L’autre ne fe reporte à perfonne.
Tous ces catadères diftindifs ne font -ils point feuls
plus que fuffifans , pour faire connoître que la dîme in-
féodée n’a et ne peut avoir aucune analogie , aucun rap-
port avec la dîme eccléfiaftique. La fécondé queftionque
nous allons traiter portera encore cette démonftration
à un nouveau degré d’évidence,
10
SECONDE QUESTION.
La dîme e^c7ejiajlique efi-elle de droit divin , comme
l ont déclaré les anciens Conciles ; comme on Fa cru
fendant nombre de fiicles ?
>
, ^ette queftion , qui n’en fait plus une aujourd’hui ,
îi en mente pas moins que nous lapprofondiflïonsfcra-
puleuiement.
Elle le mérité d autant plus , qu’en découvrant les
ources de la fraude, nous en ferons fortir les principes
’ ^qui doivent fervir de base au jugement de
1 Àiîemblee Nationale.
La dîme que les anciens Conciles ont déclarée de droit
TV1!E? vr F°rnt été connue dans les premiers fiècles
A Ehghle. Jéfus-Chrift n’en avoit point parlé ; il n’avoit
prêché que la pauvreté et l’abdénégation des richelfes *
il etoit né pauvre, il avoir vécu pauvre, et étoit mort
pauvre.
Les Apôtres ont fmvi Ion exemple * ils vi voient du
travail de leurs mains , et des aumônes des fidèles.
Le furplus de ces aumônes fe repandoit dans le fein
de l’indigence.
. ■P,e.s p>1aP';Lirs qui leur ont fuccédé , ont vécu comme eux ;
jamais il n a été queftion de dîmes.
Il n en avoir pas même encore été queftion au temps
de Saint Cypnen , qui vivoit dans le troifième fiècle.
E eft ce que nous attelle ce Père de l’Eglife , dans une
epitre (i) où il préfente les moeurs de fon temps.
Après avoir dit que « le^ Miniftres alors ne vivoient
w que du travail de leurs mains et des aumônes des
(0 lib. ad cler. & pleb. furnit.
î I
s5 fidèles, fuivant le précepte de Jéfus- Chrift , et l’e-
„ xemple des Apôtres » , il compare les aumônes de fon
fiècle , aux dîmes qui fiaifioient fiubfifier les Lévites dans
V ancienne Loi . _ .
Saint Cyprien ne fera point fans doute réeufe par le
Clergé. Il compare les aumônes aux dîmes qui faifoient
fubfifter les Lévites dans l’ancienne Loi.
L ufage de payer la dîme- aux Miniftres des autels ,
nétoit donc point encore introduit ; car fi cet ufage eût
été introduit , la comparaifon auroit été fans objet.
Une fécondé conféquence fe tire du même témoi-
gnage, c’eft que l’Eglife naifiante navoit point cru qu’il
lui fût permis d’emprunter de 1 ancienne Loi 1 ufage de
la dîme , pour faire fubfifter fes Miniftres , puifque ces
Miniftres vivoient du travail de leurs mains, et des au-
mônes des fidèles , qu ils partageoient avec les pauvres.
Saint Auguftin qui vivoit dans le quatrierqe fiecle ,
et qui eft mort dans le cinquième , confirme , par fon
Epitre 85, ce quavoit attefté Saint Cyprien j « Les Ec -
w cléfiafiiques , dit-il ne vivent que des aumônes & des
„ offrandes des fidèles. V Eglise chrétienne ne con-
3, NOIT POINT LES DÎMES ‘ LE COMMANDEMENT DE
33 ZES PAYER NE REGARDOIT QUE LES JUIES
Aulîî ne trouve- 1- on point un mot qui ait trait aux
dîmes, dans le détail des privilèges & des exemptions que
Conftantin accorda à l’Eglife. Cependant il la combla de
biens , 8c les dîmes domaniales fubfiftoient.
Autre preuve que ces dîmes font bien plus anciennes
que les dîmes eccléfiaftiques, dont 011 a voulu depuis
quelles tiraftent leur origine. .
Les grands biens que Conftantin donna a 1 ioglife ,
commencèrent fa perte. Ses Miniftres amolis par 1 aifance
négligèrent le foin des pauvres , et les aumônes fe
refroidirent. _ ■ , .
Ce refroidiftement fit naître l’idée d’introduire a leur
/O
place la dîme» telle quelle fepayoit aux Lévites dans
I ancienne Loi.
De 1 idée a 1 exécution , il ne pouvoir y avoir loin .
,?ns des barbares , dans des fiècles d’ignorance &
d erreur. Le Clergé favoitfeul lire & écrire. Les fraudes
etoient en fa difpohtion.
Bientôt l’on fuppofe un fermon du même Saint Au-
guitm dont nous venons de parler (le fermon aïo),
on lui raifoit dire : « Décima ex débita requiruntur : qui
w eas dare noluerit res aliénas invafit.
” ^s dîmes font une dette légitime ; celui qui refufe de
” les payer retient le bien d'autrui. „
Les termes étoient équivoques; on pouvoir au ffi bien
les appliquer a la dîme domaniale , qwf fubfiftoit , qu’à
la dîme nouvelle, que l’on vouloit introduire : c’étoit
un moyen de ménager l’honneur du Saint, en cas de
rehltance.
Cette fraude que l’on appelloit pieufe dans le temps ,
&que Ion nompieroit autrement aujourd’hui. Cette fraude
lut enluite appuyée du précepte de l’Evangile. Le Sau-
veur avoir confedlé l’aumône. La cupidité ht une loi du
due 61 ' LeS Mimftres P^tenciirent que la dîme leur étoit
Les peuples , comme on peut le penfer , fe foulevèrent
contre cette prétention nouvelle ; mais pour vaincre leur
re îltance , l on joignit à la première fuppofuion celle d'une
cure de funt Jerome au Pape Damafe , dans laquelle
on falloir enfeigner par cet autre Père du quatrième
S . P la mJlPe doélnne que l’on difoit avoir été en-
ngnec par^ Saint Àuguftin ; c eft ce que prouve le canon
A*r ratien d°nt °n Parlera dans un inftant.
, , !» ul^bermon fuppofé de Saint Auguftm, une lettre
egalement fuppofée de Saint Jérôme, voilà les premières
bas es fur lesquelles pofe la dîme eccléhaftiques.
II n en fa loitpomt tant , pour déterminer la décifion
du Concile de 1 ours, tenu en 5 6,7 , et la lettre circu-
\ ■ .1 ' - . • j
laïre écrite en conféquence par les Evêques qui y âvoiént
aflîfté. On y parle de la dîme que payôit Abraham au
feigneur ; on y parle du précepte de Jéfus-Chrift , qui
commande l’aumône • on y parle des effets de cette au-
mône, & du rachat des péchés : on finit par dire ce que
” ceux qui veulent être placés dans le fein dé Abraham ,
JJ ne peuvent fe difpenfer de payer la dîme.
Remarquons que la décifion de ce Concile, ne pré-
fente encore qu’un confeiî.
Remarquons que ce confeil n’eft appuyé que fur rexem*
pie d’Abraham, & non fur la loi du Lévitique. Remar-
quons que ce même confeil n’eft encore appuyé que fur
le précepte de Jéfus-Chrift , qui commande l’aumône.
Remarquons enfin que le confeil de payer la dîme
n’auroit point été donné ; qu’il n’auroit point été donné
a ceux qui vouloient être placés dans le fein d’Abraham ;
qu’il n’auroit point été appuyé de l’exemple de Jéfus-
Chrift , fi l’ufage de payer la dîme eût été confiant alors.
Le confeil n’eft donc donné en 5 6j , que parce qu’à
cette époque l’ufage de payer la dîme n’étoit point en-
core établi.
Mais pourquoi les Saints Evêques qui ont afiifté à ce
Concile , au lieu de parler de l’exemple d’Abraham &
du précepte de Jéfus-Chrift, n’ont-ils point parlé de la
loi du Lévitique , qui ordonnoit exprefiement de payer
la dîme ? Ignoroient-ils cette loi qui fe trouve répétée en
deux endroits différens ? Non , c’eft au contraire parce
qu’ils ne l’ignoroient pas qu’ils n’en ont point parlé • &
la raifon en eft fimple. Malheureufement cette loi qui
ordonne le payement de la dîme aux Lévites, défend
aux Lévites de pojféder aucuns autres biens quelconque.
Nihil aliud pojjidebitis ; & les Saints Pères du Concile
ont mieux aimé renoncer à cette loi que de renoncer
aux biens immenfes qu’ils poftedoient déjà. —
Le Concile de Tours eft le premier pas fait vers la
dime ; il fe réduit au confeil, mais celui tenu à Mâcon
U
en 5 8 5 j dix-huit ans après , fut plus entreprenant. Il
parle du précepte de payer la dîme, comme d’un pré-
cepte fort ancien 3 il en ordonne le payement , fous peine
d'excommunication 3 & M. Fleury ( Hiftoire Eccîéliaf-
tique, liv. 34, n°. 50) obferve judicieufement que cette
excommunication ejl la première loi pénale relative aux
dîmes.
Quel étoit ce précepte fort ancien de payer la dîme?
les Pères du Concile ne le difent pas ; & nous n’avons
peint le droit d’interroger le Saint Efprit.
Mais li nous avons le droit de raifonner d’après les faits,'
ce précepte fort ancien difparoîtra, pour ne laiffer à fa
place qu’une nouvelle fuppolition 3 car ce n’étoit point
de la loi judaïque dont les Pères entendoient parler,
puifque cette loi condamnoit leurs pofîellîons.
D’ailleurs, cette loi ancienne étoit abrogée par la
nouvelle , & les Pères du Concile auroient rougi de fe
modeler fur les Juifs.
D’un autre coté , la loi nouvelle ne renfermoit aucun
précepte relatif aux dîmes 3 elle n’en ordonnoit point la
preftation 3 on ne l’avoit point payée dans les premiers
ïièçles 3 on ne la payoit point encore.
Il ne reftoit que le fermon attribué à Saint Auguftin,'
8c la lettre attribuée à Saint Jérôme.
Indépendamment de ce que ces aétes étoient faux,
comme on le démontrera par la fuite, le fermon & la
lettre ne formoient point des préceptes 3 ce n’étoient que
des avertiffemens , des confeils.
Il eft donc impoffible de fe refufer à cette évidence,
que le précepte fort ancien , . dont parle le Concile de
Mâcon , n’a de réalité que celle qu’on lui prête.
Quoique ce Concile eût employé les armes Ipirituelles ^
quoiqu’il eût lancé les foudres de l’excommunication
contre les réfraéfaires au payement de la dîme, il ne pa-
raît pas, que ni les feigneurs, ni les peuples, fe foient
fort empreffés de fe foumettre. C’eft ce que prouve un
capitulaire du R.oi Clotaire , que nous a confervé Baluze ;
en fon recueil, tom. i , pag. 33 6. Il porte : « Agraria ,
» pafcuaria , vel décimas porc or uni , ecclefiœ , pro fidei
notrœ devotione concedimusjta ut acîorvd decimator 3
« in rebus ecclejîœ nullus aceedat.
» Nous remettons à l’Eglife les dîmes qu’elle nous
» devoir pour fes domaines, pour fes pâturages & pour
» fes porcs , & nous défendons à nos fermiers & â nos
» dîmeurs de les exiger, fur tout ce qui lui appartient.
Cette loi, à laquelle on n’a peut-être point donné
toute l’attention quelle mérite, cette loi prouve évidem-
ment, i°. que du temps de Clotaire, il exiftoit des
dîmes, autres que celles que l’Eglife prétendoit lui être
dues.
Or , quelles pouvoient être ces dîmes auxquelles
l’Eglife elle-même étoit affujettie , fi ce n’étoient des
dîmes domaniales, des dîmes feigneuriales, des dîmes
inféodées ?
20. La même loi prouve que l’Eglife payoit ces dîmes;
Dans quel temps? dans le temps même qu’elle faifoit
déclarer par le Concile de Mâcon , qu’elle avoir droit
de les exiger, fuivant un précepte fort ancien; dans le
temps qu’elle en faifoit ordonner le payement à fon profit ,
fous peine d’excommunication.
L’on ne peut qu’être indigné d’une pareille manœuvre ;
car il ne tombe point fous le fens , qu’un Roi , par un.
monument public., eût remis à l’Eglife des prestations
qu’il n’auroit point eu droit d’exiger,
i II remettoit à l’Eglife les dîmes pour fatisfaire fa dé-
votion ; il en affranchilfoit les domaines , les pâturages
de l’Eglife. Les dîmes appartenoient donc à ce Prince ?
elles lui appartenoient donc encore dans le fixième fîêcle ?
l’Eglife les payoit donc encore dans ce même fîêcle, fur
fes domaines , fur fes pâturages.
Cela eft d’une évidence qui faute aux yeux, & cette
évidence eft en même temps la démonftration de la fraude.
s
)
dont nous avons été les vidâmes pendant près de douze
liècles. .
Les domaines |de l’Eglife affranchis par Clotaire du
payement de la dîme , Ion peut préfumer que plufieurs
feigneurs ont fuivi fon . exemple.
Dès-lors il ne reftoit plus qu’un pas à faire , pour con-
vertir le paffif en aétif. Si la dîme etoit de droit divin ,
comme l’on fuppofoit que 1 avoit déclare Saint Auguftin ,
comme l’on fuppofoit que f avoit déclaré Saint Jérome ,
comme l’avoit déclaré le Concile de Tours , comme lavoit
déclaré le Concile de Mâcon , comme paroiffioient le re-
connoître le Souverain ôc les Seigneurs , ce n étoit point
allez que les domaines de l’Eglife fuffent affranchis ; il
falloir encore que les domaines du Souverain, des _ Sei-
gneurs & des particuliers la duffent , paice que ni les
uns , ni les autres , ne pouvoient fe fouftraire a ce qui
étoit de droit divin. 7
Cependant l’on ne voit pas que ce changement du
paffif en adif, fe foit opéré bien volontairement- & certes
cela n’ étoit guères poflible } car il devoit paraître dur
aux Seigneurs, à qui l’on avoit paye la dîme jufqu alors,
d’être obligés de la payer à leur tour.
Il ne devoit pas paraître moins dur aux particuliers
qui n’avoient jamais payé qu’un cens , qu un champart,
d’être obligés d’y joindre le paiement de la dîme.
Auffi la réfi fiance des Seigneurs et des peuples à cette
innovation, femble-t- elle prouvée par un Capitulaire de
Charlemagne de l’an 779.
Ce Capitulaire ordonne le paiement de la dîme a
l’Eglife.
Donc la dîme ne fe payoit point à l’Eglife , ou du
moins ne fe payoit pas communément , car il n’efl point
dans l’ordre des chofes que l’on falfe une loi , pour com-
mander ce qui s’exécute volontairement.
Charlemagne étoit de fon temps ce que fut depuis
Louis XIV. Avec une am e grande ? beaucoup d’élévation
dans
i7
dans Fefpric, une paflîon démefuree pour la gloire, un ca-
ractère impérieux , il avoir des foiblefïes.
Louis XIV fut dévot j Charlemagne voulut être
Saint.
Le Clergé fçut tirer parti de cette dernière difpofïtion,
non-feulement pour achever fa conquête des dîmes , qui
lui avoit déjà coûté tant de peines, -mais encore pour
lTétendre.
Il avoit déjà perfuadé à ce Prince, que la dîmeétoit
de droit divin, et qu’elle devoit frapper fur toutes les
productions de la terre j il lui perfuada également qu’elle
devoit frapper fur tout ce qui faifoit partiedu com-
merce des hommes , et même fur leur fubftance et leur
travail.
L’on aurait peine à croire ce fait, s’il n’étoit prouvé.
Heureufement il l’eft. Il l’eft par un fécond Capitulaire
du même Prince, de l’an 709. Il porte: ce fimilïter , fe-
cundùrn Dei mandatum, prdtcipimus ut omnes decimam
partem fubjlantidi et laboris fui Ecclefiis et fteerdotibus
» douent , tara nobiles et ingenui militer et lïti.
cc Semblablement nous ordonnons, dy apres le comman-
33 dement de Dieu , que tous nos fujets nobles , non no-
s» blés 8c autres payent la dîme à l’Eglife & aux Prê-
33 très , de leur fubftance 8c de leur travail. 33
Charlemagne croyoit donc bien lincèrement que Dieu
avoit donné le précepte de payer la dîme à l’Eglife 8c
à fes Miniftres; qu’il avoit donné le précepte de leur
payer la dîme , non-feulement des fruits que la terre pro-
duifoit , mais -encore des biens d’un chacun , de fa fubf-
tance & de fon travail.
Il le croyoit. Sur quel fondement ? Rappelions tou-
jours les principes. II le croyoit fur le fondement que
Saint Auguftin î’avoit enfeigné , que Saint Jérôme l’avoic
écrit, que les Conciles de Tours et de Mâcon Pavoient
décidé , 8c que les Prêtres de fon temps le publiaient,
Obfervations fur les Dîmes. B
1 8
L’on regardoit donc alors, comme article de foi, que
la dîme étoit d’inftitution divine.
Quand nous difons que Ton regardoit, comme article de
foi , que la dîme étoit d’inftitution divine nous enten-
dons parler de Charlemagne & de ceux qui obéiftoienc
à fa loi} car tous n’y obéifloient point encore.
Mais ce qui accrédita le plus ces erreurs, ce fut un
événement défaftreux, une famine qui arriva en 794.
Les Miniftres de d’Evangile avoient prédit des maux â
ceux qui ne payeraient point la dîme } la famine vint à
propos. Ils ne manquèrent point de l’attribuer à la colère
célefte & on les crut.
Comment auroit - on pu en douter raifonnabîement ?
Eux &c leurs émiiTaires publioient qu’on avoit vu les
campagnes parfemées d’efprits malins, qui voltigeoient
comme des papillons fur les épis de bled , ôc en dévo-
roient la fubftance(i).
Le cas étoit preftant. Charlemagne , pour appaifer le
courroux du ciel , donna ce troifième Capitulaire de la
même année , où l’on trouve ces termes ft conféquents à
ce que l’on vient d’annoncer : « Qui pofi creberrimas ad-
»5 momtiones & pr&dicationes facerdotum décimas dare ne - *
jj glexerint , exccmmunicentur.
« Que ceux qui , après des avenijfiemens & des prédi-
jj cations fi fiouvent répétées par les Prêtres , neglige-
jj roient encore de payer la dîme , fioient excommuniés. j>
Les Conciles d’Arles, de Mayence, de Reims , de
Châlons, aftemblés par ordre de ce Souverain, confir-
mèrent le précepte de payer la dîme, comme précepte
divin , & prononcèrent la même peine d’excomunica-
tion contre les réfra&aires.
Voilà comme deux a&es faux, firent faire à la fraude la
fortune la plus éclatante.
(1) Canon 15 du Concile de Francfort.
, . }9
Toutes ces décidons étoient bien capables d’allarmer
les confciences , & les aliarmèrent en effet. L’excommu-
nication étoit redoutable alors, & plus redoutée quelle
ne . l’eft aujourd’hui. Les Seigneurs foibles , Ceux qui
étoient dans le cas de recourir à la protection de l’E-
glise , 1 achetèrent par leur obéiffance. L’Eglife conquérante
ufa de fa vi&oire avec la modération qui lied fi bien
au vainqueur- elle traita avec les vaincus. Ceux qui fe
rendirent les premiers furent les mieux traités ; ceux qui
tardèrent davantage eurent un fort moins favorable.
Les Seigneurs puiffans qui ne voulurent point fe ren-
dre, confervèrent leurs poffeilions.
Voilà pourquoi la preftation de la dîme n’eft point
uniforme. Voilà pourquoi les quotités font différentes d’un
canton à l’autre , d’une Province à l’autre. Voilà pour-
quoi la plupart des domaines des Seigneurs payent moins
que ceux des particuliers. Voilà pourquoi enfin la dîme
ne frappe point par-tout fur les mêmes produ&ions , pour-
quoi les prés ôc les bois en font communément affranchis.
Il reftoit une difficulté bien capable de ternir la vic-
toire du Clergé. Charlemagne , par un Capitulaire de
802 , avoit ordonné que, conféquemment au précepte
divin ôc aux anciens canons de l’Eglife, les dîmes fe-
roient partagées par tiers, en préfence de témoins: coram
tejlibus Jecundum authcritatem canonum.
Que le premier tiers ferait donné à l’Eglife du lieu ,
pour fon entretien et fa décoration , ad ornamentum
Ec défia.
Que le fécond tiers ferait diftribué aux pauvres Ôc aux
pèlerins , ad ufum pauperum & peregrinorum.
Et que le dernier tiers appartiendrait aux prêtres char-
gés du foin des âmes ôc de i’adminiftration des facre-
mens. Sihi metipfis foli facer dotes refervent.
Cette loi a déplu au clergé. Le Concile de Tours
fut affiemblé en 313. Charlemagne tiroir à fa fin. Que
décida le Concile ? Qu'il avoit bien été au pouvoir du
B 2
/
20
prince , d’ordonner le payement des dîmes ; mais quil
navoit point été également en fon pouvoir d’en ordonner
le partage. Que c’étoit à l’évêque feul qu’il appartenoit
de faire ce partage ; & Charlemagne ne rélifta point à la
décilion.
Ainfi, du même coup, le clergé renverfa la loi du
prince de fon vivant , & l’autorité des canons , qui lui
avoient fervi de guides.
Un autre Concile, tenu à Paris en 819, perfectionna
ce que celui de Tours n’avoit fait qu’ébaucher.
La difpolition des dîmes fut entièrement laiflee aux
évêques. Ils fe chargèrent de l’entretien des églifes, qui
tombèrent bientôt en ruine j & les pauvres, objets des
préceptes de Jéfus-Chrift • les pauvres, objets des libéralités
des fidèles } les pauvres furent oubliés.
Alors, le clergé ne balança plus à regarder, comme des
ufurpateurs , les laïcs , qui avoient eu le courage de fe
défendre de l’oppreftion } qui avoient confervé leurs dîmes
patrimoniales.
La raifon d’intérêt aétuel n’étoit point celle qui tour-
mentoit puiflamment le clergé. L’avenir le tourmentoit
davantage. Il craignoit qu’en lai liant fui) lifter des dîmes,
dans la main laïque, elles ne donnalfent lieu à des re-
cherches ultérieures ; qu’elles ne fervilfent en quelque fa-
çon de flambeau , pour éclairer le vice d’origine •& cette
crainte n’étoit pas mal fondée : car lî les dîmes étoient de
droit divin , fi elles étoient le patrimoine de l’églife ,
pourquoi s’en trouvoit-il dans des mains étrangères ?
Si les dîmes n’étoient point de droit divin , pourquoi
les Conciles les avoient-ils déclaré telles ? Quel étoit le
titre de leur établiflement ? Quel étoit le titre qui les
avoit fait pafler prefque toutes dans la main éccléfiafti-
que ? Cela étoit embarralfant.
Après bien des tentatives , la plupart inutiles , ôc qu’il
feroit ennuyeux de rapporter , le clergé fit part de fes
craintes au pape Alexandre III , qui vivait dans le XIIe.
fiècle.
•Ce- pape fidèle à l’efprit du corps, envoya fon refont
parrocÜnos extra de decimis 14, a 1 archevêque de
“ c« pf «si
”, " ZL . ,d .«»».!>« , JM , •» ipf
„ fini inftitutœ , quafi debuum exi^pojjunt.
{ Les dîmes étant inftituées par Dira
„ pat les hommes , le payement peut en ette exige , comme
” Ennconféquen2e ce pape déclare que , n°mfeuIemeM
toutes les produftions de la terre doivent la dîme, mais
quelle eft encore due » de la maichandile > ^
si militaire , de la chaffe , du produit de 1 mdm ne des
„ fruits , du bétail , de la lame , clés étangs , des moulins ,
” Quoique le fiècle, dans lequel parut ce
fiècle de l’ignorance la plus profonde , pm^ c e ft d^
ce fiècle que date ce fameux échangé que ‘ j
nard de la terre de Signy , contre une au ne R«e de
même continence & de même valeur, dont il s 00
de fade ouir le feignent de Châtillon dans le ciel (.) ,
cependant^ la décdfon d’Alexandre III, parut h extraor-
•“X-Æ* “ o. r» * »«.
'“îÆï a.» a & r'f,
toient que crimes, que e^endré Tesrichef-
corruption des mœurs. La pieté avo & • ^
fe, • & les richefles étouffoien t leur mere. Les cris du
peuple affermèrent le Concile de Latran , tenu en i *79 >
fous le même pontificat. . , ^ ir
La queftion des dîmes étoit trop mtereffante , pour
(i) Voy. le Réformateur* tom* i , pag. 7* ^
quelle y fôt oubliée. La difficulté fnt j-r
d?lîexa"dre'me dSëfe jErf X & ^e/lad édfiol
droit divin.6 ’ *“ ^ COnforme aux principe. du
pareenîràïe^ôuillerlës'feivne'ursdè 4T * v” P°Urroit
■3“^ s'oçimLoient i coX "! “
nwft'pokTr’etLS P pIupart’ étoient Puiffans ; i,s
toutgenreXoXfol “com~dou. Les abus, en
mal placée ZTo t le 17 “ C°'n du voik Une rigtéur.
devenu pire’ que le mal. t0Ut entler- remède ferait
furie WetquXr'dîmXX^ “ œn’f ™t : «
écoient originairement des dîXISfiÆnu?18"61^’
^3^°“ d°“ ■* s'éwi- -pari dans des
s’écarter deXXpr^ci^ d'une pif sTd l P0™
pour ne point effaroucher les feifeuT déliX J
” ces derniers ne pourraient poVéder lefdirf ^
« titre hérédinirp c i rUllt;ciey teldites cnmes, a
- fous peine d exrom ™ “ ' “ aUX ai,tres -
’ » fépulture chrétienne hlorfY & d.etrePrlvés de la
» les rendoienr fl Z i l'Æ, arar reÇ"“> ils «
• il a toSlmllhlr tré P,at Ie T”6
nr le x f«- ** æ: fe Foibie • a a
défc| Sra^rX^y»^-. à ds
fon h ÏSdaX Si0f°f P0Ur ** ==> moif-
de domames 1 combien de dépits lui ^4 “ï
Cet empire faifoit alors l'objet de fes vœux 5 les plus
ardens. Les princes, armés contre les princes; les peres,
contre leurs enfans ; les enfans , contre eurs peres ;
fujets , contre leurs Souverains ; 1 Europe en eu, ne pr
Sentant qu’un vafte champ de fang & de carnag ; ,
telle étoit la route, que s’étoient trace les fouvera
pontifes , ces miniftres d’un dieu de paix, pour parvenir
Déjà Tl s s'arrogeoient le droit de diftribuet les feeptres
& les couronnes , lorfque Philippe-le-Bel parvint a celle
^Bonifacê VIII , qui fiégoit alors , voulut faite eflai de
fon pouvoir fut b moulue François : les diffenr.ons
& les troubles , furent femés dans le royaume , pa
émiffaites du faint pontife. C’eft toujours par ou
mencent les querelles avec la cour de Rome , » Je
caractère impérieux de ce pape , ne fervi 1
fon humiliation plus éclatante.
Ceft, dans ce temps, que Philippe rendit cette
donnance, Sage & vigoureufe , qui Porte ^on ^ ’
Philippine, pour défendre fon peuple opprime, des v.
tions eccléfiaftiques.
Voici au’elle en fut loccaiion. . . •■l x
^sÿrASiss. titrer
cl après les Conciles d'Arles, de Mayence, de Reims &
de Calons , qui prononçoient les memes peines un
mrtie des feigneurs & des particuliers etoient entres en
Cpoftmn, comme on l’a dit , foit relativement aux
quotités de la dîme , foit relativement aux produdions,
fur lefquelles elle devoir frappen , TTT nui
Depuis étoit furvenu le refont dAlexandr > q
étendoit la dîme, non - feulement a ^ toutes ; les pro-
ductions de la terre , mais encore a la fubftance au
travail. -d .
la roffeffifn dl* -0nClle, de hatran > qui condamaoie
pollcjîion des dîmes domaniales ou inféodées.
fc c;erge5 q111 jufqu alors avoit été iu^e dans fa. nro
Sufer vrrr'f’ harcfvesfeigneurs & i*U-
lui même r> -f dTent des lolx’ qu’1' s’étoit fait à
de nouvelle? emrVprife!!8'0"5 C°“eftations>
rendft «tre011^”6""6 d”.a Ces vexations . que Philippe
Sri moK°r10nnanCe d j =>•<* renfermoit/en
Sannonœr ’ ? PTn de a'0"' Ce ^ue nous venons
t ” • t£ Senechallus ad requifitionem confulum,
toœmm quorumcumque , deffendat ipfos confules
” faciend^ ’ &i finSulos> à novâimpofitione fmitutis
” T- & aUaS Perfonas eeclefiartkas ,
» ta» a^wne decimarnm & primatianim & Vrœf-
» conCmmlll:!10 ™ ^ ^ & ha6te™s eft
’• 9Ue 9 fénéc^al empêche que le public & les nar»
” ^71^’ ^ V"-veL/^^e
:: z::^Yks\ ** ^ ^ —
, bennes » de préfixons
ob&?deCn0m”' ^ rlemtgne ’ que le mercenaire ^fût
m fravai!P O -3, r8'1 uf *? “bl" de fa ^ftance & de
>n travad. Qt„l fut obligé de lui porter, en offrande
le dixième de fes peines & de fes heurs.
il favoir que le prêtre devoir vivre de l’autel • mais
do^pas at|ufaffl'e Y™ ^ de lautel> ne ^en-
dihème de P -affeirvh- e. mercena're d rectifier le
dixième de fon pam , le dixième de fon lane
A la vue d une ordonnance suffi fage , d’une ordon-
p î!e n°ms des abus 3 <lui mettent un frein
ai k exactions ecclefiaftiques, le clergé a pouffé les hauts
cris, il a regarde comme le comble de l’impiété de l’irre-
igion 5 qu un fouveram ofât réprimer fes excès. C etoit
im fcandal affreux. Cétoit porter la main à 1 ’encenfoir!
rS^haUn re^lren£ de col,te part. Le pape s’en eft mêlé:
de ouvelles diffentions, de nouvaux troubles ont affté
le royaume. 0
, ,MaIS Philippe confiant dans fes décrets, a fait face
f 1 ora?e>.q“ s eft bientôt diffipé; fon ordonnance a reçu
à tefnire?'01’ pr°Vifolre * & les ““pagnes ont commencé
Ce repos ne fut nas long. Le clergé toujours inquiet ,
toujours plein de fes intérêts, toujours jaloux de main-
tenir fes propres décidons & deteftdre fes conquêtes,
n attendit pas la fin du règne de Philippe, pooPrenon-’
veiler les tioubles. Les campagnes furent moleftées de
nouveau , pour raifon des dîmes. Elles furent moleftées
ur le fondement que les dîmes étant de droit divin ,
comme en etoit convenu Charlemagne, comme l’avoient
déclaré les conciles, il n’avoit point été au pouvoir de
Philippe de les modifier, de les reftreindre. ?
Après la mort de ce prince, les chofes relièrent dam
le meme état.
Elles y relièrent jufqu au concile de Langres, tenu en
Lors de ce concile, la matière des dîmes fut remife
lur le tapis. Etoient-elles de droit divin ? Etoient-elles de
droit pofmf? La queftion fut bientôt réfolue. Le con-
cile décréta qu elles étoient de droit divin • & Jean Hus
& Jerome de Prague , pour avoir ofé foutenir le coh- ‘
traire au concile de Conftance , tenu vingt ans après,
expirèrent dans les flammes. x
Le concile de Trente, commencé en 1545, confirma
encore la meme decifion, & l’on devoir croire que la
irauwe ancienne, enfevelie fous les autorités faintes, qui
i6
la confacroient , ne ferpit jamais découverte , lorfque parut
Me Charles Dumoulin; cette lumière du droit Irançois,
à qui nous avons tânt d obligations. _
Gratien , moine du XIIe. fiecle , avoit fait fon ivre
intitulé concordanùa difcordantium canonum , que on
appelle de fon nom , le décret de Gratien.
Dans cette concordance des canons difcordans , le
trouve le canon décimes 66 , conf. 16 , queft. I. Ce canon
eft appuyé fur le prétendu fermon de Saint Auguttin ,
dont nous avons parlé ci-deftus. . .
Il exprime nettement que les dîmes font de droit divin ,
& le fermon en eft la preuve.
Erafme avoir attaqué ce fermon. Dumoulin 1 attaqua
à fon tour, & l’attaqua très-vivement par fa note fur le
canon. ..
Après des obfervations analogues a fon lujet , il ait :
» Ex quo luculentiiis apparet , eos fermones ( de _ Saint
» Auguftin ) etiam ineptos, ejfe fuppofitos , ut ibi recte
33 cenfuit Erafmus.
33 D’où il réfulte encore plus évidemment que ces
s» fermons , qui en eux-mêmes n ont point le fens
33 mun , font fuppofes , comme 1 a penfé , avec -raifon ,
33 Erafme >3.
Cette double attaque n’a point échappé aux lavans
Bénédiétins, revifeurs des œuvres de ce père de leglife.
Après l’examen le plus fcrupuleux, ils ont été forces de
convenir que la critique de Dumoulin étoit jufte , «Sc ie
motif de leur détermination, motif qui n admet point
de réplique, c< c’eft que leglife ne jouifïbit encore d’au-
3> cunes dîmes, dans le fiecle ou vivoit Saint Auguftin.
33 Ob id maxime , quàd decimœ nundum erant ,
33 Auguflini œtate > clericïs & facerdotibus dates vel
33 ajjignatcs 33.
Ainfi , en joignant cette autorité , qui ne fera point fuf-
pe&e, à celle de Saint Cyprien , qm ne peut l’être d’avan-
tage ^ nous obtenons une première preuve de la fraude;
pratiquée pour introduire la dîme.
Gratien rapporte encore le canon 68, qui, comme le
precedent, établit que la dîme eft de droit divin.
Ce canon eft appuyé fur la prétendue lettre de Saint
Jérôme, au pape Damafe.
Mais, foit que ce canon ait ete interpoféjpar ce moine,
oit que Gratien fe foit trompé de bonne foi, comme on
lui a plus dune fois reproché de lavoir fait- tous les
lavans font convenus que la lettre & le canon étoient
egalement faux ; qu’ils étoient faux, par les raifons ap-
pliquées au canon 66 , ou fi 1 on veut au prétendu fermon
de Saint Auguftin, qui lui fert de bafej ôc les correc-
teurs romains , dont il n’eft point encore permis de fe
défier , ont été forces d en convenir comme les autres.
Voila donc 1 origine de la fraude entièrement dé-
couverte.
Cette fraude, en paroiftant , fait difparoître les conciles;
les capitulaires de Charlemagne , les refcnts des pontifes.
Ce font autant de confequences rumeufes, d’un principe
abominable. r
Que nous refte-t-il ? la raifon , & la raifon dégagée
du preftige. Elle nous diéfe qu il feroit abfurde de croire
que. 1 abus des chofes, les plus famtes , ait jamais pu de-
venir la fource d’un droit légitime. La dîme n’eft donc
point un droit divin, comme on l’a cru fi long - temps
fur la foi des conciles.
TROISIÈME QUESTION.
Ja dîme ejl-elle de droit pojîtif , comme on le croit
depuis 2,00 ans , & comme la déclaré la Jurijprudence
Françoife ?
La folution de cette grande queftion, nous force en-
core de recourir aux autorités , qm ont fervi de fondement
à notre jurifprudence françoife.
±8
Nous avons vu les difpofitions de la Philippine. Mats
nous avons vu aiifii les troubles qu’elles avoient occafionnés
dans le royaume.
Nous avons vu le décret du concile de Langres contre-
dire ces difpofitions.
Nous avons vu le concile de Trente confirmer celui
de Langres.
Enfin , nous avons vu Dumoulin remonter à la fource
de la fraude , en découvrir une partie , 8c laifier aux
favans Bénédictins le foin de découvrir l’autre.
Le même Dumoulin , par fuite du combat qu’il avoit
livré à Gratien , 8c qu’il lui avoit livré avec tant de cha-
leur 8c d’avantage, ne pût fe difpenfer d’attaquer la dé-
cifion du concile de Trente, relative aux dîmes. Il l’atta-r
qua comme erronnée : il attaqua également toutes les
autres décidons des conciles qui avoieiit précédés -y il atta-
qua les refcrits, les décrétales des pontifes.
Mais , il n’o'fa attaquer les dîmes en elles-mêmes. Il
n’ofa foutenir que l’on dût cefler de les payer entière-
ment.
Au contraire : foit qu’il fût intimidé par le fupplice
effrayant de Jean Elus 8c de Jérôme de Prague , que les
pères du concile de Confiance avoient facrifiés à leur
reiîentiment , contre la foi d’une parole donnée, foit que
la fin tragique & plus récente d’Erafme, imprimât fur
fon efprit j il convint , d’après la Philippine, que les dîmes
ordinaires étoient dues , 8c qu’on 11e pouvoit refufer que
le payement des infolites. C’eft ce qu’on lit dans fes obfer-
vations fur le chapitre , Extra de decimis.
« Non fervantur , dit-il, en parlant des dîmes infolites ,
95 non fervantur 3 nifl forte in locis , ubi papa ejî
3> dominas temporalis. Hce enim ( dzcimæ ) & perfonales
99 funt de inventione papcB , & in Gallium non debentur ,
93 nif confuctæ tantiim. Undè de ftagms, lignis cæduis ,
33 8c aliis de quibus non eft folitum , nequeunt exigi.
33 On n’obferve ces décidons , que dans les lieux où
*9
» le pape eft feignêur temporel. Car la dîme des nouveaux
» fruirs, & les perfonnelles , font de 1 invention^ des
>5 pontifes j &: en France , l’on ne peut exiger la dîme,
jî que des fruits , dont on eft dans 1 ufage de la payer.
55 D’où il fuit, qu’on ne la doit point des étangs,
55 des bois & autres fruits , qui ne font point encore
55 payés 55. # ,
Il eft bien aifé de s’appercevoir que la crainte d ena-
roucher les efprits , dans un temps ou la lumière etok
encore fous le boiffeau , a retenu Dumoulin.
Il n’a levé qu’un coin du voile , la cour de Rome fe
contenta de le mettre à l’index.
S’il avoir levé le voile tout-à- fait , on 1 auroit excom-
munié, on l’auroit damné, faute de pouvoir mieux. , ^
Quand un auteur auffi éclairé, auffi profond que le-
toit Dumoulin , fléchit fur une vérité apparente , il eft
bien rare que ceux qui viennent apres lui , ne fuivent
point fon exemple. Dans tous les temps , le nel des
dévots s’eft rendu redoutable.
Il étoit réfervé au fiècle de Louis XVI , au flecie
des miracles^ d’opérer le changement des idées & des
mœurs. _
M. de la Faye, avocat général, qui écrivoit apres Du-
moulin, fut auffi timide que lui, dans fon mémoire
contre la réception du concile de Trente.
Il met au nombre des erreurs , confacrees par ce con-
cile , celle que les dîmes font de droit divin • mais il
n’ofa foutenir que ces dîmes mêmes , étoient les enfans
de la fraude. Voici fes termes : «inveterata confuetudo
55 ecclefiæ & variæ conftitutiones de ea re promulgatæ ,
57 mtram liberalitatem fortajjis , in neceffitatem conver-
55 ter unt.
57 Un ancien ufage de l’églife , & différentes décidons
>5 relatives , ont converti une libéralité volontaire , peut-eti e
>5 dans le principe, en une nécejfité».
Ces termes, libéralité volontaire jpeut-étfe , annoncent
3°
bien que M. de la Faye ne vouloit point rendre en-
tièrement à. la vérité , l’hommage qu’il lui devoir , en
mamfeltant la fraude originelle , ou qu’il n en avoit point
aPprofondi le principe.
Figaut, qui parut depuis, 8c qui publia les œuvres de
baint Cyprien, n’eût point les mêmes ménagemens, dans
la note , fur la lettre de ce père, ad Cler. & Pleb.furnit.
ou il compare les aumônes de fon temps à la dîme des
J Ulfs.
Il dit en latin , ce que nous rendons textuellement en
irançois.
« Les dîmes étoient dues , fuivant la loi de Moyfe :
” mais elles ne font point dues , fuivant la loi chré-
” tienne.
” Ç pourquoi, depuis le temps des apôtres, jufqu’à
” j 111 Saint Gyprien, il n’eft fait aucune mention
es dîmes , parmi les fecours que fournilîoient les
« chrétiens aux miniftres des autels, lelquels fecours
” coniiitoient en aumônes.
» Ces aumônes commençant à fe refroidir, l’on in-
» trodmht les dîmes dans fégiife , comme un acte de
” pie te, & de religion. (Il tait la fraude).
” ^ abord , ce n étoit qu’une oblation volontaire , un
« lupplement aux aumônes : mais bientôt cette oblation
“ dégénéra en une exaction ciuelle ».
Tous les auteurs contemporains (l’on entend ceux
S°nî/r P!llme n’étoin point entièrement vendue à l’Ordre
Lccîeiiafrique ) , tous ces Auteurs n’ont en qu’une voix
pour reclamer contre 1 exaction tigourenfe de la dîme
J ïb ?“PÏÏS„1^-même» fur rairick 74 des libertés
de 1 Egide Gallicane , n a pu s’empêcher de reconnoître
m/TVr?IW des chofes les Plus fûmes* que
1 Ordre Ecclefiaftique étoit redevable , non feulement des
dîmes , mais encore de la meilleure partie des biens dont
il regorgeoit.
Les Juges n’ont point été plus loin que n avaient été
ces Auteurs ; Ton a communément perdu l’idée que les
dîmes fulTent de droit divin, mais Ton s’eft familiarifé
avec celle qu’ elles étoient de droit pofitif.
De temps à autres, & fur-tout dans les temps mal-
heureux , le Clergé a cherché à fe relever de ce qu’il
appelloit fes pertes. Nous en avons un exemple frappant
dans l’Ordonnance qu’il a achetée fort cher en 1667,
& qui ne lui fervit en rien , par la raifon qu’aucune
Cour ne voulut l’enregiftrer , tant elle étoit contradic-
toire en elle-même , rant elle etoit oppofee aux princi-
pes généralement reçus.
Depuis la matière des dîmes eft devenue h compli-
quée, fi incertaine , que les Cours, ne fachant plus a
quoi s’en tenir , ont été obligées de demander au Roi ,
une Déclaration qui fixât leur Jurifprudence..
Pourquoi cet embarras ? Pourquoi cette incertitude ?
Parce que , dans la vérité , il n exifte aucun principe ,
fi ce n’eft le principe de la fraude , & qu’il eft impof-
fible de tirer de la fraude les conféquences d’un droit
légitime.
Il n’exifte point de principes en matière de dîmes ec-
cléfiaftique ; elle ne peut donc etre de droit pofitif. Car
un droit pofitif fuppofe un principe quelconque fur lequel
il eft fondé ; & l’on défie qui que ce foit de^ rappeller
un principe qui fonde le droit pofitif de la dîme eccle-
fiaftique.
On nous citera bien les Capitulaires de Charlemagne;
on nous citera bien la Philippine ; mais ces loix 11e font
point des loix ex proprio motu des Princes qui les ont
données ; elles ne font point l’effet d’une volonté pure
& fimple; elles ne font que l’effet de la fraude, de l’er-
reur '8c de la furprife.
Charlemagne a ordonné le payement de la dîme, fous
peine d’excommunication. Pourquoi? Parce quil la croyoït
de droit divin , comme l’avoient fauffemenc déclaré les
Conciles.
32
; Philippe i également ordonné îe payement de la dîme
réduite à l’ufage. Pourquoi ? Parce que l’ufage étant de
la payer d’une manière quelconque , il a cru ne pouvoir
s’en écarter.
Si le premier de ces Princes avoit fçu que la dîme
qu on lui préfentoit, comme étant de droit divin , n’étoit
qu une fraude , en auroit-il ordonné le paiement ex man-
data Dei?
Si le fécond Prince avoit fçu la même choie , auroit-
n ordonné le paiement de la dîme d’ufage , d’ulage qui
n’avoit pour principe que la fraude ?
En un mot , la fraude peut - elle être le principe
d’un droit légitime? r
Lon ne croit pas que qui que ce foit ofe foutenir
l’affirmative.
Dès-lors la découverte de la fraude reporte les cho-
fes a leur premier état. Avant le Concile de Tours, avant
le Concile de Maçon , les dîmes eccléfialiiques ne fub-i
filoient pas j ce font ces deux Conciles qui les ont in-
troduites , fur un prétexte faux. •
Ceft donc au temps du premier de ces Conciles qu’il
faut nous reporter , pour juger du mérite des dîmes.
Or, au temps du premier de ces Conciles, il ne
fubliftoit ni droit politif , ni droit divin, qui en ordon-
nât le payement ; il ne fubffile donc aujourd’hui ni droit
pofitif, ni droit divin , qui ordonne ce même payement.
QUATRIÈME QUESTION.
Si la dîme etoit de droit divin dans le principe 3 com-
ment a-t-elle pu fe transformer en droit pofitif ?
Cette queftion, quoique bien fimplet n’en eft pas moins
tmbarai fuite.
Le Clergé nous a parlé de prefcription.il nousEa pro-'
polée comme la patrone du genre humain, comme le re*
pos des familles, comme un des principaux liens de la
ioaete.
fociété. Ii a raifon pour ce qui concerne les matières
temporelles.
Mais a-t-il régalement raifon pour ce qui concerne les
matières fpmtuelles ? Prefcrit-on contre la loi de l’Etre
fuprême ? la réponfe eft du relïort du Clergé.
Si l’on ne prefcrit pas contre la loi de l’Etre fuprême ,
l a dîme, fuppofée de droit divin, n’a jamais pu fe trans-
former en droit politif.
Cependant le Clergé après avoir foutenu pendant dix
fiècles , après avoir fait prononcer par vingt Conciles ,
que la dîme étoit de droit divin, fe trouve forcé au-
jourd’hui d’avouer quelle eft de droit pofiuif. Le Clergé
avoue donc que les Conciles nous ont trompés, 8c en avouant
que les Conciles nous ont trompés , ils avouent que la
dîme n’eft ni de droit divin , ni de droit pofitif, s’il
eft vrai que ce qui eft de droit divin ne peut jamais
cefler de l’être, pourfe transformer en droit pofitif. Voila
comme le Clergé , en voulant éviter un écueil , s’eft brifé
contre un autre.
CINQUIÈME QUESTION.
Si la f. lime eft de droit pofitif \ comment les anciens
Conciles ont-ils pu la déclarer de droit divin?
Cette queftion n’eft pas moins infolubie que la précé-
dente dont elle eft l’inverfe. Il eft certain que h une
loi divine ne peut dégénérer en une loi fmple 8c pofi-
tive , de même une loi fimple 8c pofitive ne peut s’élever
à la qualité de loi divine. Nous l’avons déjà dit : on ne
peut changer la nature des chofes.
Ainfi la déclaration des anciens Conciles , que la dîme
eft de droit divin, & la reconnoiflance aéfuelle du Cler-
gé, quelle n’eft que de droit pofitif, prouvent quelle
n’eft ni de l’un ni de l’autre droit. La reconnoiftance du
Clergé prouve que les Conciles fe font trompés , ou nous
©nt trompés. La déclaration des anciens Conciles prouve
Obfaryations fur les dîmes , C
que le Clergé â&uel fe trompe, ou veut nous tromper. C’eft
parmi ces deux extrêmes qu’il faut choifir j ôc fi Ion veut
éviter l’embarras du choix, l’on admetra l’un ôc l’autre.
Ceci pofé , combien ne doivent-ils pas paroître indé-
cens , ces cris, ces clameurs dont le Clergé ne cefie d’im-
portuner le public , qu'il ejl fous le joug de la vexation ’
qu’on le dépouilje , qu on ne refpecte ni le facré , ni le
profane , que fon veut fubvertir la religion ; que Von
veut anéantir le culte.
Eft - ce vexér le Clergé , que d’arrêter le cours de la
fraude? Eft-ce le dépouiller injuftement, que d’affranchir
les peuples des effets ultérieurs de cette fraude? Eft-ce
ne refjxéler, ni le facré, ni le profane , que de mettre
les abus à découvert ? Eft-ce que c’eft fubvertir la Reli-
gion , que l’épurer ? Eft-ce anéantir le culte , que le
rendre plus refpe&able ? Hélas ! fi le culte avoit pu être
anéanti , fi la Religion avoit été pofée fur des fonde mens
moins Inébranlables , fubfifteroit-elle encore aujourd’hui ?
L’Affemblée Nationale a décrété, dans fa fageffe , la
fuppreffipn des dîmes, de cette fervitude odieufe, de cet
ancien fléau qui ne défoloit les Provinces que depuis
trop long -temps.
En cela , l’Àffemblée Nationale a rendu à la culture
le fervice le plus effentiel qu’il fut en fa puiffance de
lui rendre.
Mais en défrétant que la perception de la dîme cef-
feroitj l’Affemblée Nationale s’eft réfervée de pourvoir
à la fubfiftancè des Miniftres des autels, ôc à l’entretien
du culte. Pourquoi ? parce que la fubfiftancè des Miniftres
de l’autel, & l’entretien du culte, font à la charge de l’Etat.
Sous ce point de vue , peu importe aux Miniftres ôc
a l’entretien du culte, que les dîmes deftinées à remplit
ce double objet, aient ou non la fraude pour principe :
la fubfiftancè des Miniftres ôc l’entretien du culte , étant
de droit public, l’Etat doit y fournir - cela neft point
fufceptible de difficulté.
Mais l’Etat ne doit fournir qu’à la fubfiftancè des Mi-
rnftres & à l'entretien du culte. Qui font les Miniftres
les Archevêques 6c les Evêques, les Curés, les Vicaires
6c autres deffervans.
En quoi confifte l’entretien du culte ? Il confifbe dans
ce qui lui eft relatif, tels que les vafes facrés, les linges,
les livres, 3cc.
L’Etat doit donc affigner aux Archevêques 6c Evêques;
aux Curés, Vicaires 6c autres deffervans, des revenus
qui piiiffent- les faire fubftfter avec décence.
L’Etat doit également affigner d’autres revenus pour
l’entretien des vafes facrés , des linges, des livres, 6c
autres objets néceffiaires au culte.
En rempliffimt cette double tâche, l’Etat eft quitte de
fa dette , & perfonne d’ailleurs n’eft recevable à fe plaindre;
car ni l’Abbé, ni le Religieux, 6c autres qui ne font
point nommément chargés du culte public , n’entrent
point dans la claffie des Miniftres à qui 1 Etat doit la
fubfiffance ; ils n’ont donc aucune indemnité à prétendre
pour raifon de la fuppreffion des dîmes.
Si cette fuppreffion donnoit ouverture à une indem-
nité quelconque en leur faveur , cette indemnité feroit la
récompenfe de la fraude, 6c la proportion eft trop im-
morale pour que l’on doive craindre de la voir hafarder.
La découverte de cette fraude opérera donc un effet
bien confëquent pour l’Etat,, l’effet de l’affranchir de
toute efpèce d’indemnité envers les bouches inutiles 6c
ces bouches inutiles compofent au moins la moitié , pour
ne pas dire les deux tiers, des décimatetirs.
Ce n’eft point que nous prétendions que ces bouches
quoiqu’inutiles , doivent être traitées comme les abeilles
traitent les frêlons ; qu’elles doivent être chaffees de la
ruche, 6c expofées â mourir de faim. Non, ces bouches
inutiles font des Citoyens, & comme Citoyens l’Etat leur
doit les mêmes foins, les mêmes attentions, les mêmes
fecours , la même tendrelle qu’un père doit a fes enfans.
Mais ff ces enfans ont d’ailleurs de quoi vivre , il ne
C i
3.f
leur eft dû aucune indemnité pour raifon de la fuppref-
lon des dîmes. Voilà ce que nous prétendons.
Dans le cas où ils n ’auroient point d’ailleurs de quoi
vivre , il faut que l’Etat y fupplée ; cela elfc jufte , & nous
conduit à l’application également jufte de la loi que s’eft
faite l’Aftemblée Nationale, parfon décret de fuppreftion.
Refte à examiner ft le fiftême que propofe M. du Pont
eft admifiîble.
Les fentimens de l’Aftemblée Nationale fe font trop
bien manifeftés dans le cours de cette féance, pour que
je ne regardafte point comme un crime , de fuppofer
qu’elle voulût commettre une injuftice en connoifiànce
de caufe.
Cependant nous penfons que c’en feroit une qu’elle
commettroit, fi, d’après les difcuftions auxquelles nous
venons de nous livrer, elle adoptoit le confeil de l’hono-
rable Membre , 8c condamnoit le cultivateur à rembourfer
à l’Etat le prix des dîmes, fur le pied de la valeur habi-
tuelle des biens.
Les campagnes ont aftez gémi , 8c ne gémiftent que
depuis trop long-temps, fous le joug impérieux 8c def-
potique de la main-morte.
Si ce joug étoit légitime, la raifon du bien public
exigerait qu’on les en affranchît d’une manière quelcon-
que. Comment ne les en affranchiroit-on pas , lorfqu’il
eft démontré qu’il n’a pour bafe que la fraude la plus
révoltante? Eft-ce que les campagnes doivent le prix de
la dîme, fi la dîme elle-même n’eft point due? doivent-
elles le prix de leur affranchiftement , fi la fervitude étoit
inj lifte ?
Le piège qui enlaçoit le cultivateur, 8c que couvroît
de fon ombre une Religion fainte , eft rompu ; le cul-
tivateur recouvre fa liberté } il rentre dans la plénitude
de fes droits.
Que doit-il à l’Aftemblée Nationale, qui lui a procuré
le bienfait ? il lui doit l’hommage d’un coeur pénétré' de
reconnoiflance.
C’efl auffi le tribut qu’il fe plaît à rendre à fo» ^meur.
chaînes* évidemment'inj^ftês'; Semblée Nationale en
n’èft certainement point dans l’intention de PAf-
femblée Nationale; & cependant 06 qU‘
fi l’on fuivoit le confiai de M. du Pont.
En effet , fi le cultivateur paye la dîme au tien - ,
», nny,n ie force à la rembourfer au denier }o , 3;
* to félon que la valeur des biens s’élèvera plus ou
moins haut dans les cantous, n’eft-il pas feniib e que
tembourfement lui fera du tiers ou de morne plus
charge Que n etoit la charge ni-rne . .. r
,0 ]5ans l’hypothèfe de ce rembourfement , il en
fui eroit une au?e injuftiee bien palpable. A qui ce rem-
boSent ferort-il fart ? à PEtf E-quor ç* 1 adet
PF rat à fubvenir à la dépenfe du culte & a 1 entretien
des Miniftres de l’autel. Mais fi le rembourfement n-
SS £V*
J Si l’on fuppofe que le rembourfement ne fera E°'“
forcé l’un rembourfera, l’autre ne rembourfera pas. Co
ment' réglera-t-on les importions ? Exigera t-on
^’mS ooint remboursé le fupplément d’rmpot 1 m-
de la fraude. 01 on l’exige du lecomr . 0.. - P“nic,
rembourfé ; on le punit e s etre ac" | . par-tout
<°. La quotité de la dune neitpomt ega 1
dans e même territoire, les uns la payent au o fau-
nes au ub, d’autres au 15e-,» io‘.. au 50 ., &. jul
qlcômSme„t fe réglera le mmbourfenent ? Ceux J»
paient au dixième , tembourfetont-ris fur ce pred ,
‘lue *eur? vol,lns ne rembourferont que fur le pied du
cinquantième. Dans l’impôt qui fuccédera, prendra-t-on
- P lis ou le Moins en conlîdération ?
6° La dîme ne frappe point fur tous les fruits. Les
foin-’ f! pl'esffl 6 a 1°'Tnt Pas communément. Les fain-
. /’ les t.refflfs-’ lesJItlzernes . les colfats , le chanvre,
f:anrl T 1 ,'?olvent dans des cantons I & en font af-
f and., s dans d autres. L un dont la tette rapporte du
L e , rembourfera-t-d la dîme fur le pied du 'dixième ,
tandis que fon voifin dont la terre fera en bois , en prés,
en Won, treffle ou luzerne, n’aura rien à rembourfer?
„ 111 ,donc la cerce rapporte des fruits, juge à
propos de la charger en fruits „an décimables fera - u il
a nanem du rembourfement , ou fera-t-il affranchi, pour
^ quart d heure feulement, ou pour toujours? Quelle
r la proportion, fl Ion veut conferver la îuftice ? et fî
on ne regarde point de proportion, y aura-t-il de kîufHce ?
y a apparence que 1 honorable Membre qui a erré
ur ks punapes de la dime, n’a point fuffifamment ré-
v^'f l5j| “"^ncnc", de fon fyftême. Mille incon-
-uuns, m. le difficultés plus inextricables les unes que
' r r; ,i a • attendrolent à l’exécution, & le fruit que l'on
rau roit d une. tentative injufte , feroit de porter le feu
la flamme ou 1 Affiemblée Nationale n’a voulu por-
qi.e le foulagement & la douceur.
Acesconfidératious frpuiirantespar elles-mêmes, j’en
L X: a(ïtte bl61l Pltls pmiTante encore. L’entretien des
pa- s’se ur>c charge de l’Etat. Tous les citoyens de
les irmS^ 'ien“ice at’x privilèges; tous ont reconnu que
es impôts dev oient etre fupportés également. 4
Eoiuquot donc l’entretien des Miniftres & du culte
Zi' > P !a char?e des campagnes feules & des cultï-
roimrdi fOUrr3uof parmi ces cultivateurs , les uns fe-
, V S eues olis le poids de la dette commune,
écr^ <3“e jau“? " en Rprrcrcicnr rien ? Le cultivateur
cr...L, prend-il plus que fa part du fetvice divin ? Prend-
* P‘a$ <PJe 6 part dans l’adminifttarion des factemeas?
S’il ne prend que fa part du bénéfice , il ne doit que
fa part de la charge : cela eft évident.
Dans tout ce que nous avons vu fur cette ma-
tière , nous n’avons trouvé que deux objeélions qui font
fi foibles , qu’à peine méritent-elles qu’on les réfute.
La première confifte à dire que les riches propriétaires
feuls profiteront de lafupprefîion cies dîmes , & que cela
h’eft point jufte.
Cela n’eft point jufte! C’eft bientôt dit. Mais pour-
quoi cela n’eft-il point jufte?
' Si les riches propriétaires , ou ceux quiîs reprsftntent
ont été trompés, pourquoi ne profiteroient-ils point feuls
de la découverte de la fraude , dont ils font depuis n
long-temps les viéfimes? Fera-t-on participer au bénéfice.
Ceux qui n’ont point fouffert de cette fiaude
Ce n’eft point que tous les propriétaires qui profite-
ïontde la fuppreiîion de la dîme, loient riches , comme
on le fuppofe.il s’en faut même de beaucoup , car il y
èn a plus de malheureux que de riches.
Mais l’on veut qu'ils foienc tous riches: ne fupportent-
ils point les charges en proportion de leurs richefles ? S^ils
Supportent les charges en proportion des richeiîes quhls
ont ? comment peut-on taifonnabiement vouloir qu iis ns
profitent pas des bénéfices, en proportionde leurs charges?
S’ils nen profitoient pas, qui en profiterait donc ? Les *
pauvres qu’ils nourrifient , qui n ont rien , qui ne up-
portenr aucune charge, qui ne fouftrent point de la iraude
Mais la propofition nJeft-elle point abfurde ? N eft - il
point abfurde de penfer que la füppfeffion de la dîme
doive vertir au profit de ceux qui n en paient point , lori-
qufil eft démontré que ceux qui la pay oient , la payoïenî
injuftement? LJon donnerait le bénéfice de la fupprefiion
aux pauvres, & les riches payeraient les impôts , comme
s'ils en avoient profité. F oila ce qu on appelle de la
juftice j & nous , nous ne craignons pas de dire que ce
ferait le comble de Linjuftice.
La fécondé objection confifte à prétendre que ceux qui
4©
ont acheté des biens fournis à la dîme, les ont achetés
conféquemment à cette charge ,& qu'ils ne doivent point
profiter de l'exemption.
Ici , Ton fuppoîe la dîme, foit de droit divin , foit de
droit pofitif, & elle n’eft ni l’un ni l’autre j la fuppofition
eft donc fauire.
Quand la dîme feroit de droit pofitif, l'objection ne
fe trouverait pas mieux réfléchie. Pourquoi ? Parce que ,
dans ce cas , ce ne feroit point la terre qui devrait la
dîme , mais le fruit.
Or , par la même raifon qu’un propriétaire peut faire
de fa chofe ce que bon lui femble , qu’il peut fubftituer
des fruits non décimables à ceux qui font décimables , ÔC
par ce moyen s’affranchir de la dîme , par la même rai-
îon auflî il ne doit aucune récompenfe d’une fuppreflîon de
cette même dîme, qu’il éuoit en ion pouvoir de le procurer.
A qui voudroit-on d’ailleurs que cette récompenfe fût
due ? Au vendeur fans doute. Mais lui-même la devrait
au vendeur plus ancien, & de vendeur en vendeur, l’on
irait fe perdre dans la nuit des temps, fans être plus avancé.
Ma motion eft que la fuppreflîon de la dîme foit dé-
clarée pure 8c fimple : que la charge de pourvoir à la
fubfiftance des Miniftres feuls & à l’entretien du culte,
foit déclarée , comme elle l’eft , charge de l’Etat,, 8c que
* * l’impofition à faire en confëquence frappe fur tous les
biens de l’Etat , indiftinélement , autres néanmoins que
ceux que l’on pourrait accorder auxdits Miniftres pou»
les remplir de leurs penfions , fi lAflemblée Nationale
jugeoit à propos de prendre ce parti , fauf à régler le
fort des fabriques. Hôpitaux & autres établiflemens de
cette nature , que la fuppreflîon des dîmes priverait d’un
revenu nécefTaire à l’acquit de leurs charges.
Signe j, Millon de Montherlant , Député de Beauvais.
A PARIS , DE L’IMPRIMERIE NATIONALE.